
Je profite du calme du mois d’août pour réagir à l’article de Fibre Tigre sur LePlus. Ce billet au titre provocateur décrie à grand renfort d’exemples les dérives constatées du crowdfunding*, mais jette par la même occasion l’opprobre sur tout le secteur.
Une seule définition ?
Revenons tout d’abord sur un problème important, celui de la définition du crowdfunding. Par souci de simplification, le terme est utilisé pour désigner des réalités diverses : financement simple ou coédition, retour sur investissement en numéraire ou en nature, don pur. Côté projets, les typologies sont variées : artistiques, personnels, entrepreneuriaux, humanitaires, sociaux ou solidaires (comme sur Arizuka), nombre de projets bénéficient aujourd’hui du crowdfunding. Bref, ce dernier est multiforme, tant dans son objet que dans son fonctionnement et le mode de rétribution des soutiens.
Je n’aborderai pas ici la problématique de la coédition, car la critique formulée dans le billet de Fibre Tigre est, sur ce point, pertinente : la foule ne remplacera jamais totalement l’expérience, le réseau et l’équipe d’éditeurs chevronnés. Cependant, il est difficile de se faire un avis général sur le crowdfunding en analysant quelques cas particuliers.
Des exemples, des contre-exemples et des généralités
Car les exemples présentés dans l’article restent selon moi des cas particuliers, pour la plupart tirés de Kickstarter, qui n’est pas une plateforme de coédition. Jetons un œil aux statistiques 2012 de ce site américain. Ceux que les chiffres ennuient peuvent passer directement au dernier point de la liste suivante :
• 18.000 projets financés, pour un total de 320 millions de dollars collectés ;
• 83 millions de dollars collectés pour des jeux vidéos ;
• Les projets les plus financés sont des projets artistiques, cinématographiques, d’édition littéraire et de théâtre ;
• 10% des films présentés au festival de Sundance ont bénéficié de financements via Kickstarter ;
• Seuls 17 (oui, dix-sept) projets ont dépassé le million de dollars de collecte.
Moins de 0,00001% des projets ont donc dépassé le million de dollars de collecte sur cette plateforme en 2012. Pourtant ce sont les projets les plus cités et pris en exemple lorsque l’on parle (en bien ou en mal) du crowdfunding. De la même manière, les échecs retentissants trouvent facilement écho dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Les dizaines de milliers d’autres projets financés trouvent leur public et leur audience et leurs soutiens, mais ne font pas les choux gras des polémistes.
Loin de moi l’idée de vouloir présenter une image d’Epinal du crowdfunding ; la hantise des opérateurs de plateformes reste bien qu’un porteur parte avec la caisse. C’est d’ailleurs pour cela que, sur Arizuka, nous sélectionnons les projets en amont et que nous usons de la phase d’accompagnement des porteurs pour valider le sérieux de leur démarche. En France, les opérateurs ont signé une charte de déontologie, adhèrent à une association professionnelle, et une évolution réglementaire est prévue pour la fin d’année.
Être et ne pas être…
Plus généralement, il est important de rappeler que le crowdfunding n’est pas :
• Un catalogue de vente par correspondance de produits design ;
• Un mode de financement garanti pour les porteurs de projet;
• Un livret d’épargne à rendement garanti pour les soutiens ;
• Une alternative à l’expertise d’un éditeur.
Un porteur a besoin de soutien financier, mais aussi d’accompagnement dans les multiples domaines qui touchent à son projet, et le crowdfunding n’est pas la réponse miracle à ce besoin. Il n’a, je pense, jamais eu cette vocation.
En revanche, le crowdfunding est :
• Un moyen de financement complémentaire pour les projets ;
• Un outil hybride de financement et de communication, d’où le fait que certaines campagnes ressemblent plus à des campagnes marketing qu’autre chose. Les communicants et les people se sont emparés du concept, pour le meilleur et pour le pire… ;
• Un mode de financement alternatif pour les porteurs de projets.
En conclusion
Les critiques formulées à l’encontre de certains projets, certains porteurs ou certaines pratiques doivent être entendues et prises en compte par les opérateurs de crowdfunding. Ces derniers ont la responsabilité d’offrir un maximum de transparence et d’information aux internautes. Evitons simplement de faire de cas particuliers des généralités et ne faisons pas au crowdfunding dans son ensemble un procès d’intention. Les opérateurs que j’ai pu rencontrer sont des passionnés, tous comme les porteurs de projets que nous accompagnons au quotidien.
Pour découvrir les différentes facettes du crowdfunding, n’hésitez pas à nous retrouver aux Assises du Financement Participatif, le 30 septembre prochain, à Bercy (voir notre post de blog de la semaine dernière).
Evidemment, cette discussion est ouverte, n’hésitez pas à réagir sur notre page Facebook ou via Twitter !
Fabrice Carrega
Co-fondateur d’Arizuka
* j’utilise le terme crowdfunding car il est plus largement répandu que sa traduction française, qui est « financement participatif ». Remarquez que la notion d’édition ou de co-édition est absente de ces termes.